21 septembre 2007

Pour que les cols durent, amidonnons *


*jeu de mot digne de Pompon


Filip, en plus d'être mon meilleur ami de la vie entière, est également professeur dans un collège du 9-3 comme on dit, entendez par là qu'il exerce un métier qu'on ne peut pas résumer par "18 heures de cours par semaine" comme le font tant de gens qui suivent des yeux le gros doigt de l'UMP pointé vers les fonctionnaires, parceque c'est quand même bien pratique.
Connaissant la repulsion qu'il éprouve envers notre président, j'aime lui faire parvenir des liens vers des articles concernant la politique et l'éducation.
Le dernier en date, issu de Rue89, concernait le fameux mail envoyé "par erreur" à des proviseurs leur demandant d'établir et communiquer la liste des élèves sans papier scolarisés dans leur établissement.
Filip m'a répondu par mail et, avec son accord, je met sur le blog ce qu'il m'a écrit, car, de temps en temps, c'est bien d'entendre parler les gens de leur métier et de leur combat au quotidien contre la hierarchie et l'incroyable machine qu'est l'éducation nationale (n'est-ce pas David !)

En effet, je ne pense pas à une bourde. Les élèves sont peu à peu fichés, ça
fait un an que ça se met en place (à partir du logiciel sconet qui gère les
absences et qui est dorénavant directement relié à l'inspection académique qui
est ainsi au courant de toutes les situations des élèves.) De plus, on sent que
tout se met en place et se trame discrètement. Ainsi,, les assistantes sociales
ont été prévenues qu'elles étaient responsables en cas d'opposition à une
procédure d'expulsion...

En outre, j'ai reçu la lettre de 31 pages du président. Les avancées culturelles
et pédagogiques qu'il prône comme une révolution (sorties culturelles pour
ouvrir les élèves au monde, leur apprendre à écouter et à débattre, valorisation
du sport, décloisonner et travailler en interdisciplinarité, connaître les
textes religieux...) ne sont que des reprises, des paraphrases des textes
actuels (qui fonctionnent depuis 12 ans en français (programmes Bayrou ;-)).
L'autorité du professeur qui doit demander aux élèves de rester debout et donner
lui-même le signal pour s'asseoir, qui doit veiller à ce que les élèves se
découvrent en entrant en classe, n'est pas franchement novateur et se fait à peu
près depuis des lustres...

En revanche, il y a bel et bien des nouveautés. Ainsi la suppression de la carte
scolaire est censée "empêcher les discriminations"... Car il est évident qu'un
établissement coté, asailli de demandes d'inscriptions va choisir de nombreux
élèves issus de cités et inversement que les zep vont être submergées de
demandes de familles de milieux favorisés!... Quelle belle mixité sociale !

Si Sarkozy souhaite "réformer le collège unique, c'est pour que chacun puisse y
trouver sa place, pour [...] donner à chacun une plus grande chance de réussir"
Dans les actes, page 27, il parle "d'internats d'excellence" pour "les bons
élèves issus des familles les plus modestes". Et pour les élèves en échec,
niet... Pas assez "méritants"...

Enfin plusieurs formules me laissent perplexes, je ne sais comment les
interprêter (ou plutôt ça me paraît assez dangereux...). Florilège :

Une vision singulière de ce qu'est l'éducation...

"Ce qui nous incombe, c'est de relever le défi de l'économie de la connaissance
et de la révolution de l'information."

"cultiver l'admiration de ce qui est bien, de ce qui est juste, de ce qui est
beau, de ce qui est grand, de ce qui est vrai, de ce qui est profond, et la
détestation de ce qui est mal, de ce qui est injuste, de ce qui est laid, de ce
qui est petit, de ce qui est mensonger, de ce qui est superficiel, de ce qui est
médiocre, voilà comment l'éducateur rend service à l'enfant."

"Nous sommes les héritiers de toutes les grandes civilisations qui ont contribué
à la fécondation réciproque des cultures qui est en train d'engendrer la
première civilisation planétaire."

Un grand soutien de l'état pour nous aider dans cette école de la "réussite" :

"Dans l'école que j'appelle de mes voeux où la priorité sera accordée à la la
qualité sur la quantité, où il y aura moins d'heures de cours, où les moyens
seront mieux employés parce que l'autonomie permettra de les gérer davantage
selon les besoins, les enseignants, les professeurs seront moins nombreux."

Une logique implacable... C'est ça "l'économie de la connaissance"?

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Après avoir lu cela, on n'a pas vraiment envie de rigoler... En ce qui concerne le "chapeau" de l'article, le mot dont le libellé exact qui m'est particulièrement cher est "pour que l'école dure, amis, donnons !" est dû au regretté Francis Blanche.

Anonyme a dit…

C'est sûr que ça ne donne pas vraiment envie de rire, d'autant que les dernières déclarations sur les quotas d'imigration déterminés en fonction des origines et du milieu social font froid dans le dos...
Je me demande d'ailleurs si le dispositif de classe d'accueil (des élèves non francophone nouvellement arrivés en France pour les aider à parler et écrire le français et à intégrer le collège) que j'ai en charge depuis un an dans mon collège a encore de l'avenir...