8 mars 2008

JFDM : Martine Silber (Le Monde)

montage récupéré sur le site du Théâtre du Point du jour


Voici un copié-collé de la critique parue dans Le Monde de ce soir, à noter que celle-ci apparait à la une, ce qui n'est pas désagréable...
Aujourd'hui est également parue une critique (beaucoup moins positive par contre) dans Le Figaro, par contre impossible de la trouver sur le site. Dès que je met la main dessus, je vous la file. Ceci dit, l'article descend un peu la mise en scène. En attendant, vous pouvez toujours lire l'un des surréalistes articles à charge contre la Comédie Française parus récemment dans le quotidien qui manifestement n'est pas du coté de Muriel Mayette...

Voici la critique parue dans Le Monde de ce soir, apparement eux y sont plutot contents :

Bouleversante fin du monde

l'entrée au répertoire de la Comédie-Française de Juste la fin du monde, de Jean-Luc Lagarce, l'auteur dramatique français contemporain le plus joué en France, mort du sida en 1995, à 38 ans, Michel Raskine a axé sa mise en scène sur... le théâtre. Le résultat est brillant et bouleversant.

Quand Lagarce rédige sa pièce, en trois mois, lors d'une résidence "Médicis hors-les-murs", en 1990, à Berlin, il se sait condamné, à terme. Mais il en a eu l'idée, comme le rappelle Jean-Pierre Thibaudat (Le Roman de Jean-Luc lagarce, éd. Les Solitaires intempestifs), avant de connaître sa séropositivité. Louis (Pierre Louis-Calixte) est revenu dans sa famille, un dimanche, après une longue absence entrecoupée de "petites lettres elliptiques" griffonnées au dos de cartes postales. Il revient parce qu'il va mourir "plus tard, l'année d'après", et qu'il veut prendre congé des siens et leur parler.


L'instantané et la longueur

Un frère trop différent (Antoine, Laurent Stocker), une soeur trop jeune (Suzanne, Julie Sicard) et une belle-soeur (Catherine, Elsa Lepoivre) étrangère à l'enfance passée, pleine de bonne volonté maladroite qui reflète comme un miroir brisé les cassures et les déchirures. Et cette mère (Catherine Ferran) qui ne dit rien pendant longtemps, qui semble même lointaine, décalée, indifférente, qui ne sait même plus l'âge de son fils, et qui pourtant va expliquer, au beau milieu de la pièce, avec clairvoyance, tendresse et distance, l'impossible retour, les impossibles retrouvailles. Et lui, Louis, ne répondra que par un "petit sourire", comme toujours.

A cet argument simple répond une construction complexe. Louis, qui se dérobe et parle à peine lors des scènes familiales, intervient, seul, au cours de longs monologues, comme en contrepoids. Chaque membre de la famille s'adresse à lui une fois par une longue tirade, alors que les autres échanges sont brefs, percutants. Cette architecture qui mêle l'instantané et la longueur, ajoutée à la langue de Lagarce, faite de phrases fluides, mais souvent entrecoupées d'hésitations sur les mots "justes" ou la grammaire, donnent à l'oeuvre sa respiration fragile, entrecoupée, vacillante, que la mise en scène reflète constamment.

Muriel Mayette, l'administratrice du Français, avait demandé au metteur en scène de jouer en "gros plan". La salle Richelieu oublie ses fastes et ses dorures pour laisser place au théâtre et rien d'autre. Le plateau avance jusque dans la salle, créant une proximité avec le public accentuée par l'exigence faite aux spectateurs de jouer leur rôle : leur attention est constamment requise par les comédiens. Le ton est donné d'entrée : la mère attend le public devant une vidéo de Louis, torse nu, et lorsqu'il entre en scène, il enlève l'écran d'un ample geste du bras, claque des doigts, et c'est parti !

Le décor s'apparente à celui d'une répétition : au fond, un rideau rouge ; alignées le long du rideau, des chaises banales portent le nom de l'acteur d'un côté du dossier et celui du personnage de l'autre ; dans un coin, un amoncellement de "vieilleries", sous une guirlande d'ampoules multicolores.

Place aux acteurs : Pierre Louis-Calixte, tantôt gamin, tantôt habité de douleur muette ; Elsa Lepoivre, drôle et fine ; Julie Sicard, exubérante mais peut-être un peu trop stridente ; Catherine Ferran, magnifiquement digne et lointaine, et surtout Laurent Stocker, déchirant face à l'incompréhension de tous. On gardera en mémoire l'un des seuls moments de paix, quand chacun sur une voix chantonne ou siffle le Prélude op.18 n°3 pour orgue de César Franck, qui accompagne la pièce comme un chant funèbre et doux.

Martine Silber - Article paru dans l'édition du 9 mars 2008

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Il y a effectivement un papier dans le figaro pas mauvais d'ailleurs, mais que je n'ai pas trouvé sur internet.

Anonyme a dit…

Dans la version orgue, le prélude de Franck se termine par des variations, la dernière reprenant le thème comme il se doit. Le point d'orgue final est très long, équivalent de plusieurs mesures. Est-ce cela qui a donné l'idée de la note tenue ???