3 mai 2007

Rolland Garros



On a eu très peur au début. Elle a commencé le premier tronçon les yeux rivés à ces fiches et en cherchant ses mots. Elle a sorti la grotesque idée de faire raccompagner les femmes flics le soir. On a frôlé la catastrophe. Face à elle, lui s’est montré d’un calme plus qu’agaçant. Lui a su, tout au long du débat, garder sa ligne directrice consistant à la bombarder le plus stoïquement de réponses extrêmement concrètes, techniques et chiffrées. Elle a réussi à s’adapter et surtout à le contrer très rapidement sur son propre terrain, la délinquance. Dès qu’il a abordé le thème des multirécidivistes, elle a brandi des réponses à apporter dès les premiers actes de délinquance.

Tous deux ont décidé d’un accord tacite et dès le départ de s’affranchir de l’ordre du jour et des thèmes à aborder, en déplaçant le débat autant que nécessaire, chacun à leur tour, sans jamais se le reprocher d’ailleurs, réduisant ainsi les deux « journalistes » au rang de spectateurs de Rolland Garros suivant la balle de la tête, très amusants à observer d’ailleurs sur les plans larges.
Tels deux lycéens ne sachant pas gérer leur temps d’exposés, ils ont tous deux considéré être les rois du pétrole et tout cela aurait pu durer 5 ou 8 heures qu’ils ne se seraient même pas posé la question de l’intérêt de l’auditoire.

Ceux qui attendaient un dérapage de sa part sous-estimaient grandement N.Sarkozy, en mode self-control total du début à la fin. Ceux qui attendaient une faillite de sa part sous-estimaient tout autant S.Royal, qui, réduite à sa position de chalengeur, n’avait d’autre choix que d’attaquer, de façon plus ou moins heureuse d’ailleurs.

Alors qui est le mieux placé pour être président : les deux, ou aucun des deux.
N.Sarkozy a tout misé sur la connaissance des dossiers, réelle ou apparente, à coups de chiffres, de pourcentages, d’informations techniques et pratiques. S.Royal a évoqué, en continu, les grands principes, les directions à prendre, les méthodes à adopter ou à éviter.
Hors, il eu fallu, pour nous donner une réelle idée des capacités de chacun, voir ces deux éléments de discours chez les deux candidats, au delà d’un simple concours d’aplomb. (car, lorsque les deux candidats surenchersissent sur le thème de « on a tort tous les deux mais à celui qui y croira le plus qui aura le moins l’air con », cela donne un grotesque concours d’aplomb sur le terme du nucléaire)
Oui, le quinquennat donne une nouvelle responsabilité au président qui se doit d’être plus proche des solutions techniques, mais oui il/elle se doit avant tout de « montrer un cap », parler d’un choix de société, de valeurs et de principes.
Or, sur ce terrain-là, les seules valeurs et principes évoqués par N.Sarkozy restent la valeur travail et le mérite opposés de facto à l’assistanat. Sur tous les autres sujets, ce ne sont que des mesures chiffrées et pratiques sur le court terme qui ont été exposées et ce uniquement dans le but de créer un décalage entre un discours « pragmatique » et un discours « théorique ». Un exemple criant : il dira 50% quand elle dira moitié, c’est plus technique, plus didactique, ça fait plus mieux bien regardez comme je connais les chiffres.

Malgré de très (trop) longues paraphrases qui l’ont obligé à dire beaucoup moins de choses en utilisant plus de temps de parole, S.Royal a fait preuve de pugnacité quitte à prendre le risque de l’impression d’acharnement, avec beaucoup de coupages de paroles superflus.

Quelques très bon points cependant.
Très bon point pour S.Royal qui a réussi à opposer à plusieurs reprises à la « valeur travail » la « valeur DU travail » : enfin, il était temps, 4 jours avant le deuxième tour.
Très bon point pour S.Royal sur sa fameuse colère renvoyant à son adversaire ses principes de moralité en politique évoqués par lui-même en début de discussion, obligeant N.Sarkozy a frôler le second degré en évoquant le sang-froid nécessaire à la fonction suprême, un léger sourire au coin de la bouche.
Très bon point pour S.Royal lorsqu’elle place au milieu d’une phrase « la pédophilie, dont vous admettrez qu’elle n’est pas génétique… ».
De très bons aspects donc pour S.Royal sur certains détails mais aussi beaucoup d’occasions manquées, elle aurait pu le moucher à beaucoup d’autres moments.
Lui a joué une fois de plus le gentil naïf qui veut comprendre et expliquer.
Concrètement, rien n’indique que ce débat change quoi que ce soit au niveau des intentions de votes. L’écart ne va pas se réduire puisque chaque camp est conforté.
Les sarkozystes sont contents de l’avoir vu calme et sois disant pragmatique.
Les segolenistes sont rassurés de l’avoir vu combative et percutante.
Les indécis n’ont aucun élément de comparaison complémentaire.

Pour les gens qui ne suivent pas la campagne de près, il est intéressant de préciser un autre point fort de S.Royal à la suite de ce débat.
S.Royal a le mérite de la cohérence par rapport à son propre discours. Le meeting du stade Charlety et le débat d’hier ne dénotaient pas. C’est déjà ça.
N.Sarkozy, lors de son dernier meeting à Bercy (celui avec Miss Dominique, Bigard et Farrugia), a prononcé l’un de ses discours les plus violents de toute la campagne, basé sur une liquidation totale de l’héritage de Mai 68 qui à l’entendre a transformé la France en pays de hippies gauchistes irresponsables et assistés, un discours le moins rassembleur possible, complètement effrayant, extrêmement inattendu pour un entre deux tour mais galvanisant pour les dizaines de milliers de militants présents, garantissant une image extrêmement marquante pour la télévision. Ce n’est pas ce N.Sarkozy que l’on a vu hier soir. Le décalage entre ses discours et le débat était total. Total donc inquiétant, une fois de plus.

Autre détail qu’on est obligé d’évoquer par ce qu’on s’est tous fait la réflexion : N.Sarkozy a une très belle montre, S.Royal était très bien sapée.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bon alorsjuste pour dire que non, elle était toute viellote en bleu marine épaulettes.
Et que je regrette pas d'avoir regardé la nouvelle star.