6 mai 2008

La part du lion

C’est du TGV Paris->Lyon que j’entreprend d’écrire ce post.
Cette info n’est pas intéressante à priori mais je ne résiste pas à l’envie de vous retranscrire un dialogue que j’ai entendu entre la vieille et le vieux assis juste derrière moi, parce que sinon je vais les insulter.

- Donc là tu vois sur cette photo c’est ma petite fille
- Ah, celle qui aime les bronzés ?
- Oh oui mais tu sais celui là il n’est pas si mal
- Oui mais enfin, elle mérite mieux.

Voilà. Si j’ajoute à cela la couverture de 20 minutes d’aujourd’hui représentant l’affiche de la comédie musicale Le Roi lion flanquée d’un “Merci” en caractère gras, autant vous dire que je me trouve dans les meilleures conditions nerveuses pour évoquer la pitoyable nuit des Molières de la semaine dernière qui a tout de même vu couronné Juste la fin du monde comme meilleur spectacle du théâtre public.

De celà nous sommes extrêmement fiers car nous considérons qu’il récompense le travail de création effectué sur ce spectacle en particulier et non pas l’ensemble de la vie entière du Théâtre Français, mais ici n’est pas le lieu pour rentrer dans ce débat-là dont accessoirement tout le monde se fout, comme du théâtre en général, tout du moins on en vient à l’espérer quand on assiste à une soirée de ce type.


Des Molières ras les paquerettes


Lundi dernier, donc, on a pu entamer, anxieux, cet apéro-tartes-télé sur une improbable image d’un gigantesque Molière doré prisonnier d’une tribu africaine échappée de Mogador en relâche et nous annoncant ni plus ni moins que le cycle éternel, l’histoire de la vie.

Bon, ne croyez pas que j’ai une dent contre le Roi Lion, dont tout le monde s’accorde à dire qu’il s’agit d’un très beau spectacle, auquel je serai comme je me connais plutôt sensible, mais si on regarde bien l’historique de cette création on sait bien que tous les aspects de cette comédie musicale datent d’une bonne dizaine d’année et que bon, on veut pas forcément hurler au complot mais quand même, il s’agit d’un spectacle dont France 2 est partenaire média, de là à éveiller des soupçons, on ira pas jusque là mais quand même.

Sans rentrer dans un laborieux récit de cette interminable émission, notons les faits les plus marquants de la soirée :

-Karine Le Marchand avait oublié de mettre un bas (pantalon ou jupe au choix)

-Les talents de médium de Mme Dubillard pour cette impressionnante séance de dialogue avec les morts digne de Colin Fry, probablement le meilleur sketch de la soirée. Quand on a tendu le micro au moribond, il a dit très exactement “Meeerrrrrjkgdflmjbdfjlsmjnf”. Elle a réussi à traduire ça en “il tient à remercier son éditeur et surtout il tient à me remercier moi puisque je m’occupe de lui depuis des années et que sans cela il ne serait rien nan mais c’est vrai regardez il arrive même pas à saisir le trophée qu’on lui tend avec insistance !

-Chevalier et Laspalès sont venus reprendre un sketch de Poiret et Serrault qui a fort mal vieilli et qui n’a déclenché ni rire ni sourire ni aux Folies bergères, ni rue de Sèze, ni ailleurs je le craint, et qui s’est avéré être le passage le plus ennuyeux de la soirée.

-Laurent affichait une tête d’enterrement visible, comme s’il appréhendait une intervention de chanteuse tibétaine.

-Muriel a dit n’importe quoi en recevant notre Molière.

-L’émission n’était en fait qu’une grosse bande-annonce pour la diffusion quelques jours après sur la même chaîne, en direct, de Tailleur pour dames.


Muriel, aux anges, entourée du fils Metayer et de John Malkovitch


Je vais donc, en guise de complément de compte-rendu de cette soirée, décerner moi-même de nouveaux Molières.

Molière de la ministre la moins emmerdée dans une cérémonie :
Christine Albanel, pour le passage sous silence total des baisses de subventions de 4%.

Molière de la meilleure tarte aux pommes :
Olivier Rey pour ‘La Tarte aux pommes pour les Molières chez Julien”

Molière de l’ennui visible sur les plans de coupe :
Laurent Stocker pour ‘Les Mots de Minuit’ et ‘La 22e nuit des Molières’

Molière du sketch que ce n’était pas la peine de reprendre parcequ’il a mal vieilli :
Chevallier et Laspalès, pour les dates de spectacle (Poiret/Serrault)

Molière de l’éclairagiste qui aurait dû avoir le Molière mais qui l’aura peut être dans 10 ans si on suit la logique :
Eric Soyer

Molière de la coupure qui fait chier au moment ou y faut pas :
Free et sa freebox, pour ‘le gel d’image suivi d’un écran noir de 5 minutes au moment de la meilleure comédienne’

Molière des blagues après les Molières :
Stéphanie Mathieu pour “Alors, est-ce que Muriel t’as dit si elle s’était levée pour Galabru ?”

Molière de la démagogie :
Clovis Cornillac pour son discours d’ouverture sur l’amitié entre public et privé.

Molière de l’autopromo éhontée :
France 2 pour le rabâchage autour de ‘Tailleur pour dames’ et pour le spectacle ‘Le Roi Lion’ durant la 22e Nuit des Molières.


Bon, en gros, pour résumer, même si je suis extrêmement fier du Molière de Juste la fin du monde, j’ai honte de ce que représente une soirée comme celle-ci.
Signalons que le principal écueil reste le déséquilibre entre privé et public. Bien évidement, les organisateurs étaient tout contents d’annoncer la parité dans les nominations.
Mais celà ne sert à rien, on s’en fout de la parité dans les nominations, c’est au sein même du collège des votants qu’elle doit exister. La vraie valeur des récompenses s’imposera alors de toute évidence, le nombre de bulletins de vote étant équilibrés.

On peut en outre s’amuser des grotesques déclarations de Nicolas Auboyneau, directeur de l’unité Culture et Spectacles vivants de France 2 (emploi fictif), persuadé de remplir pleinement sa mission de service public en diffusant des pièces avec Line Renaud :

À une époque, il y avait un vrai divorce entre la télévision et le théâtre, mais grâce aux dernières pièces en direct, la cérémonie des Molières n’est plus une émission alibi.

Ce qui veut dire qu’elle l’était avant ! Ca, c’est fait !

À travers cette nuit spéciale, nous nous adressons à des gens qui n’y vont pas et notre objectif est de leur donner envie de s’y rendre.

Raté.
Elle peut même donner envie aux gens qui s’y rendent de ne plus y retourner !

J’en profite au passage pour établir ici un pronostic. Les quelques pièces diffusées en direct cette saison ayant réalisé une excellente audience, on sait que d’autres chaînes, notamment TF1, sont sur les rangs pour la diffusion de productions comme le Dîner de cons avec Arthur. Il va donc avoir une petite mode du spectacle drôle en direct, qui peut aboutir, non sans risque, au retour d’un rendez-vous récurent du genre Au Théâtre ce soir.


A lire également :
L'excellent papier de Thibaudat dans Rue89, avec citation de Lagarce de circonstance.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

D'accord sur toute la ligne. Je rajouterais le "Molière du Méli-Mélo" pour la présentation des affiches !Vive le théatre !

Anonyme a dit…

Et dire que je me suis tapé toute cette soirée. Sauf le dernier quart d'heure...

Anonyme a dit…

Pour paraphraser Maman, j'ai envie de dire "Vive la télé" !

Antoine a dit…

Héhé... J'ai littéralement adoré Juste la fin du monde et je suis donc ravi de ce Molière ! Mais cela ne m'empêchera pas d'aller voir Le Roi Lion la semaine prochaine...^^