Lu sur Rue89 :
(curieux d'avoir l'avis de mes lecteurs enseignants, car je ne crois pas être vraiment d'accord... D'ailleurs Filip il me semble que tu fais bien lever tes élèves à ton arrivée, non ?)
Restez assis, un enseignant n'est pas un hiérarque quoi que prétende ce nouveau président: "Quand le professeur entre en classe, les enfants se lèvent!", dit-il en effet.
Mais, n'était-ce pas ainsi dans "le bon vieux temps"? C'est vrai, nous nous levions dans les années cinquante, mais ce n'était pas le "bon temps". Nous nous levions mais nous ne respections pas tous les professeurs, seulement ceux qui le méritaient. Comme aujourd'hui. Quant aux autres, nous faisions semblant, nous riions sous cape et nous leur en faisions voir de toutes les couleurs, parfois cruellement, comme aujourd'hui. Seulement nous étions moins nombreux, et moins divers aussi, mais ce n'était pas le "bon temps". Surtout pour ceux qui quittaient l'école à 14 ans, toujours les mêmes. Comme aujourd'hui.
J'ai encore vu, au début des années soixante-dix, des enfants se dresser à l'entrée des professeurs ou aux premières notes d'un hymne national. C'était dans Cuba stalinisée et en Espagne franquiste. Ces enfants portaient l'uniforme. Comme le souhaite cette troïka de députés qui propose de masquer les signes les plus apparents de l'inégalité sous un uniforme!
C'est ainsi que par touches successives nous en arrivons à une cohérence dans l'effrayant: tentative de dépistage systématique des troubles de conduite dès 3 ans, enfants en uniforme qui se dressent, obligation de l'apprentissage d'un chant guerrier sans oublier la note de conduite et la pratique du b-a-ba. Faut-il montrer la cohérence entre le b-a ba et le "levez-vous!"? La voici: ne cherchez pas à comprendre!
Et c'est ainsi que nous en arrivons à l'étouffement de la raison au profit de l'argument d'autorité. Car la première mission d'un enseignant n'est pas de «faire preuve d'autorité» mais de "faire autorité". Faire autorité par son savoir et sa capacité à le partager. Non pas à user de l'autorité que lui confère sa fonction pour assener mais faire autorité par son savoir et son art à gagner l'estime de l'enseigné. Car nul n'apprend véritablement d'un enseignant sans estime pour celui-ci. La mission d'un enseignant ne consiste pas à contraindre sous la férule, mais à aider l'enfant à découvrir ses talents, et pour cela apprendre.
Et s'efforcer. S'efforcer dans cette quête sensée: tenter de se connaître. Se connaître, non pas sur le mode de l'égotisme mais pour, à travers soi, aller à l'universel. Ce qui exclut, on le voit, tout recours à l'argument d'autorité. Le recours à l'autorité en matière d'éducation est toujours un échec de l'éducation, de même que le recours à la force dans la démocratie est toujours un échec de la démocratie. C'est pourquoi, quand des enfants se dressent dans une classe, c'est la raison qui en rabat, l'école qui en frémit et la démocratie qui en vacille.
Nestor Romero (ancien enseignant),
"L'école des riches, l'école des
pauvres", éditions Syros, 2001.
1 commentaire:
Dans les deux collèges (très différents l'un de l'autre) dans lesquels je travaille, je rentre en classe en même temps que les élèves qui ne s'asseoient que lorsque je le leur demande. Ils ne se lèvent pas à mon arrivée, nuance.
Les cours commencent toujours par un "Bonjour à tous", immédiatement suivi d'un "asseyez-vous"... Ca dure le petit moment nécessaire pour faire le lien entre l'extérieur et la salle de classe, et pour que le silence ou du moins le calme puisse s'installer.
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